Journal intime. Date : 17.12.2019
C’est un réveil compliqué. Cette nuit, je me suis réveillé deux fois. La première vers 1h00 du matin en ayant la sensation qu’il était 08h00 et la deuxième à 06h50 en ayant l’impression qu’il était 01h00. J’ai fait un rêve bizarre dans lequel je passais un entretien d’embauche qui s’est mal passé. Non pas que le boulot n’allait pas me plaire, c’est plutôt le processus d’embauche qui m’a froissé. Nous étions reçus en binôme par la DRH. Il fallait à la fois remplir un questionnaire technique et en même temps répondre à ses questions. Chose que ma binôme arrivait à faire à la perfection. En ce qui me concerne, j’ai pris le pli de répondre d’abord à ses questions avant de mettre le nez dans le questionnaire, étant partisan du fait qu’on ne peut écouter efficacement une personne que si l’on ne fait rien d’autre en même temps. A un moment donné (avec l’accent du sud), je me suis levé, énervé par la méthode et je suis parti en les remerciant. C’est à ce moment que la DRH m’apprend que la binôme travaille déjà dans la boite et qu’elle est juste là pour voir comment je vais réagir en situation de concurrence. Sans savoir si j’ai les capacités requises, je prends congé en n’omettant pas de lui dire que ces méthodes ne me plaisent pas et que je ne souhaite pas travailler dans une boite qui les utilise.
Le mental
Nous ne sommes pas tous égaux devant la gestion de la douleur, les médecins et tout le staff médical, n’ont eu de cesse de me répéter que le mental a une place prépondérante dans le processus de guérison. C’est une notion à laquelle j’adhère sans réserve, j’en suis persuadé.
Une question émerge toutefois, à quelle étape de ma guérison en serais-je si je n’avais pas le mental que j’ai eu alors et que j’ai encore aujourd’hui ?
J’ai connu des hauts et des bas, mais une chose est sûre, même si une baisse de mental a été le déclencheur de l’écriture de ces lignes, je suis à 95% du temps avec un mental positif.
J’ai lu différents bouquins durant ma convalescence sur la récupération de personnes accidentées de la vie et dans la plupart des cas, leur mental est celui d’un grand sportif. J’ai aussi vu des reportages tout aussi similaires durant lesquels les accidentés de la vie, même sans le vouloir, comparent leur rééducation à une préparation pour les jeux olympiques. Mon mental n’est pas le même, il consiste à accepter ce qui m’arrive et à rester joyeux et positif quoiqu’il advienne. C’est certes moins guerrier mais tout aussi efficace, je ne me pose pas de jalons, je vis au jour le jour en regardant au-dessus de mon épaule de temps en temps afin de constater les progrès, puis je regarde vers l’avant mais pas trop, et je vis (en tout cas, j’essaye).
Pas tous pareils.
J’ai eu un voisin dans la chambre d’à côté (sinon, ça n’aurait pas été un voisin 😆 ), car je suis dans une chambre single (Eh oui, il aurait pu être un voisin de chambrée), qui n’avait pas cette chance. Je l’ai pourtant envié à mon arrivée, car brûlé uniquement au bras droit, il semblait en totale autonomie, en apparence, et plus proche de la sortie que de son arrivée. Mais nous n’avons pas tous le même mental.
Il avait deux addictions à la cigarette et à l’alcool qui le poussaient toutes les deux à se conduire comme un collégien qui ne voulait pas guérir. Il quittait l’hôpital l’après-midi pour aller faire des courses et revenait éméché avec quelques victuailles qu’il allait cacher dans sa chambre. A ce moment-là démarrait une partie de cache-cache avec les infirmières et les aides-soignantes. Il se cachait dans les toilettes pour se rouler des cigarettes qu’il fumait sur la terrasse, il chutait sous les effets de l’alcool avec son plateau repas, et j’en passe. Il prenait des remontrances, des menaces d’expulsion, s’excusait comme un enfant, se couchait en demandant de la morphine et le lendemain, tout recommençait.
J’ai été dans le jugement
J’admire ces personnes qui savent tous les jours s’occuper de ces gens qui en ont besoin, sans jamais leur en vouloir, sans jamais les juger. Car je l’ai jugé moi, le ressentant comme une gêne, lui qui jetait ses cigarettes allumées par-dessus le balcon malgré les risques d’incendies, lui qui transformait les toilettes communes en cendrier géant, lui qui allumait sa télé à 01h30 du matin parce qu’il n’arrivait pas à dormir, oui je l’ai jugé.
Mais aujourd’hui, je le plains, voire je les plains, car il n’est pas seul. La vie les a privés de ce mental qui accélère la guérison. Les apparences sont trompeuses, un regard jeté trop vite, un jugement rendu trop facilement, et finalement, une personne que l’on envie devient une personne que l’on plaint.
J’étais à l’hôpital mais dehors, aujourd’hui, sous d’autres formes, il se passe exactement la même chose.
La suite dans le prochain article : Léon Bérard de Hyères, la suite.