Catégorie : Mon accident

  • Mes premiers week-ends de permission (ép. 15)

    Mes premiers week-ends de permission (ép. 15)

    Dernier pansement le vendredi et reprise du protocole le lundi, il n’est donc pas nécessaire de rester à l’hôpital le week-end si un retour au domicile est possible.

    À partir du moment où je redeviens mobile, en fauteuil ou en béquilles, je peux rentrer chez moi. Le tout est d’être rentré avant 20h00 à l’hôpital le dimanche soir.

    Ces moments sont des bulles d’oxygène familiales. Je retrouve femme et enfants ainsi que mon bébé chien blanc et mon gros chat noir.

    Mon bébé chien, un berger blanc Suisse. Il n’a même pas d’accent.
    Mon bébé chat dont le terrain de jeu préféré est mon lit.

    Oui, je n’ai pas mis de photos de ma femme et de mes enfants. Ce n’est pas que je préfère montrer mes animaux, c’est juste que ma douce ne souhaite pas être mise en avant sur le site pour le moment. Comme beaucoup de personnes, elle ne se trouve pas photogénique et elle va me tuer pour avoir osé le marquer. 😆

    Mais reprenons. C’est certes compliqué car la maison n’est pas adaptée à ma condition et il faut que je monte les escaliers sur les genoux. Vous pouvez essayer, c’est trop sympa. Il faut également installer une chaise dans la douche car je ne peux toujours pas rester debout. Mais on s’adapte ! Le positif tiré de ces moments effaçant complètement le négatif de la situation.

    J’avoue juste que, pendant ces instants où je dois m’adapter à ce corps diminué, je prie pour que la situation évolue.

    D’ailleurs, si vous voulez savoir comment s’est passé mon premier week-end de permission, je l’ai écrit dans mon journal intime. Voici l’extrait :

    Extrait de mon journal intime. Date 28.08.2017

    Je sors le week-end en permission, ça donne l’impression d’être de nouveau à l’armée. J’ai maintenant une bande de contention blanche à la jambe droite et une chaussette de compression noire à la jambe gauche. J’arrive à mettre des baskets aux 2 pieds, ce qui me rend moins ridicule. Ces baskets, de la marque Skechers, sont équipées de semelles confortables à mémoire de forme, je les conseille fortement à ceux qui ont des problèmes aux pieds.
    Nous sommes allés, mon épouse et moi-même, au magasin de sport à proximité de la maison pour acheter une nouvelle paire de baskets pour ma fille. J’ai commencé à l’intérieur du magasin à ressentir un malaise. Toutes les personnes que je croisais me regardaient de façon prononcée. Bizarrement, ça m’a beaucoup gêné, cela m’a rappelé ma condition, mon accident. Pourtant, je les comprends, je crois que j’aurais eu la même réaction qu’eux si je m’étais croisé dans un magasin. Je me serais posé la question du comment en regardant fixement mes jambes. Qu’est-ce qu’il a et qu’a-t-il fait ?
    Ensuite nous sommes allés au restaurant Japonais et même réaction quand nous sommes partis et que nous avons dû traverser le restaurant. Je n’ai vraiment pas aimé, et ce sentiment est tout nouveau, j’espère qu’il ne durera pas.
    L’après-midi, j’ai regardé la télé et je suis tombé sur une émission qui retraçait la vie des urgentistes du SAMU des Bouches du Rhône. Bingo, je me suis mis à pleurer, discrètement et pas longtemps, mais j’ai pleuré. Il va vraiment falloir que je sorte ce qui est en moi et que je n’arrive pas à faire sortir seul sinon je vais ressentir un blocage toute ma vie. Il faut que je prenne rendez-vous avec une psychologue à ma sortie de l’hôpital pour exorciser le mal qui est en moi.
    Dimanche a été, par contre, une très belle journée. Nous sommes allés au club de rugby d’Aix en Provence dans lequel évolue mon fils. Les éducateurs et dirigeants de sa catégorie avaient organisé une journée d’intégration avec, pour finir, un repas avec les parents pour la cohésion du groupe. Au menu, auberge espagnole, rosé, discussions sympas et variées, rires, tout ce qu’il faut pour rendre la vie plus qu’agréable. Le rugby est un sport d’exception qui réunit les personnes autour de valeurs qui m’inspirent comme le respect et la camaraderie.

    À l’hôpital, vous êtes dans la normalité. Tout le monde est là pour récupérer, se réparer. Vous êtes comme eux, ils sont comme vous avec des pathologies différentes mais avec le même objectif.

    Alors vous vous habituez à cette situation. C’est une nouvelle vie.

    Toutefois, quand vous sortez, vous n’êtes plus dans la norme et vous sentez le poids du regard des autres personnes que vous êtes amenés à croiser. Je suis un extra terrestre, je suis handicapé. Le poids de cette charge est dur à porter.

    Bien-sûr, cela ne dure qu’un temps et de toutes les façons, mon manque de mobilité m’oblige à rester chez moi la plupart du temps. Mais de ce point de vue là, le retour à l’hôpital est salvateur. Je suis de nouveau parmi des gens comme moi, des personnes qui me ressemblent, ne me jugent pas et me comprennent.

    En parlant de ça…

    C’est d’ailleurs très avantageux de ne pas être seul. Je parle bien-sûr de mon point de vue. Le fait d’être entouré de personnes m’engage à me tourner vers les autres. Essayer de comprendre leur douleur, comment sont-ils arrivés ici.

    En étant un malade parmi des malades, j’ai développé mon empathie. Isa m’a beaucoup aidé à ce niveau-là, j’ai essayé de calquer ma façon de voir les autres sur la sienne. Et étonnamment, en faisant cela, on met sa douleur et sa maladie de côté, on oublie et on compatit. Le cœur prend le pas sur le cerveau.

    La suite dans mon prochain article : Cette vilaine peur.

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  • De la joie en rééducation (ép. 14)

    De la joie en rééducation (ép. 14)

    Et voilà, quoi de mieux que la chanson du grand Charles Trenet pour mettre de la joie dans les cœurs et une chanson dans la tête pour la journée. 😆

    Depuis que j’écris sur le blog, j’ai parlé de ma douleur, de mes opérations, de mes pleurs, de ma solitude car le but de cette écriture est, pour moi, thérapeutique. Coucher « sur le papier » ce que j’ai vécu m’aide à me souvenir, à extérioriser, à guérir en partageant mon vécu pour qu’il soit moins lourd à porter.

    Mais je n’ai pas vécu que des moments difficiles, j’ai eu des moments de joie, de bonheur. J’ai fait des rencontres merveilleuses qui m’ont apporté énormément de choses.

    Mes compagnons d’infortune

    Un gars, une fille. Rien à voir avec la série populaire de France 2, j’ai juste sympathisé avec 2 personnes qui étaient de sexes opposés.

    La 1ère, honneur aux dames, se prénomme Isa et ce qui la caractérise, c’est un cœur énorme. La 1ère fois que je l’ai vue, si mes souvenirs sont exacts, elle arrivait en kiné. Cette femme qui dégage une énergie impressionnante, semblait connaitre tout le monde alors que c’était la 1ère fois que je la voyais. J’ai appris plus tard que c’était sa 2ème rééducation. Elle était déjà venue et une sur-opération l’avait obligée à revenir. La souffrance faisait également partie de son quotidien.

    Les femmes m’intimident, j’ai donc mis du temps avant de discuter avec elle. Mais ça valait le coup d’attendre, elle est la gentillesse incarnée, elle m’a fait découvrir Laurent Gounelle en m’offrant « L’homme qui voulait être heureux ». On a discuté, on a rit, on a même programmé une soirée apéro par semaine en terrasse pour se sortir du quotidien de l’hôpital. Elle m’a apporté beaucoup, elle m’a soutenu, elle m’a transmis son énergie même quand elle n’en avait pas assez pour elle. Isa = Gros cœur, bonheur et joie.

    Le 2ème se prénomme Serge, le Toulousain. Je fais une rééducation du côté de Toulon, patrie du RCT, le meilleur club de rugby de France, voire d’Europe (ça va en faire rager certains 😆 ) et je tombe sur un Toulousain. La 1ère fois que je l’ai vu, c’est parce que je l’ai entendu. Car Serge parle beaucoup avec l’accent qui chante et la voix qui porte. Serge est quelqu’un d’intelligent et de très intéressant. Il a la discussion facile et ce qu’il dit est souvent captivant. Les séances de sport de l’après-midi se faisaient régulièrement avec lui et il n’était pas rare de terminer nos discussions dans la salle de pause autour d’un café.

    Aujourd’hui, je les vois beaucoup moins, mais j’essaye de garder le contact. Je suis content de parler d’eux afin qu’ils sachent l’importance qu’ils ont à mes yeux.

    Les infirmières : Infirme hier ? Fort aujourd’hui grâce à elles.

    Je ne citerai pas leur prénom pour ne pas les mettre mal à l’aise, contrairement à mes compagnons d’infortune, on sait où elles travaillent. Je mettrai donc juste la 1ère lettre afin qu’elles se reconnaissent si un jour j’ai la chance qu’elles me lisent.

    Elles n’ont pas le droit de s’attacher aux patients, elles doivent rester professionnelles. Pas facile avec un coucou dans mon genre, qui fait l’idiot et qui cherche continuellement à capter l’attention. Elles sont un maillon de la chaine dans le processus de guérison. Elles ont été très importantes dans mon cas. J’ai eu énormément de chance d’être soigné par elles, de les rencontrer. Je ne les oublierai jamais.

    • J. : Elle est jeune mais sérieuse dans son métier, elle maitrise. Ne lui demandez pas de prononcer Clint Eastwood, elle n’y arrivera pas. Ça donne lieu à beaucoup de fous rires. Elle sait mettre le patient à l’aise. Elle ressemble, dans sa façon d’être, à Isa. C’est aussi un grand cœur. Elle est pleine de vie.
    • Y. : Elle est jeune mais sérieuse dans son métier, elle maitrise (je sais, je me répète, mais ça vaut pour les 2). Elle est très attentive à la douleur du patient. Quand elle fait un pansement, elle vous jauge en même temps pour voir si vous ne souffrez pas. Le bien-être du patient est important à ses yeux (Mon impression). Elle a eu les bons mots au bon moment : Merci, à jamais dans mon cœur.
    • M. : L’infirmière sourire. Elle est jeune mais sérieuse dans son métier, elle maitrise (je sais, je me répète, mais ça vaut pour les 3). La croiser fait du bien, tant son sourire est communicatif. Elle fait tout pour que vous soyez au mieux. J’ai eu, une fois, un gros coup de spleen, et Y. et elle, pendant ma séance de kiné, ont rempli ma chambre de post it avec des emoticons et des mots d’encouragement. Trop géniales !!!
    • V. : Elle est jeune mais sérieuse dans son métier, elle maitrise (je sais, je me répète, mais ça vaut pour les 4). Je l’ai eu moins souvent que ses collègues. Elle a du me trouver un peu lourd, j’ai peut-être abusé du comique de répétition avec elle. Elle est très carrée et professionnelle.

    C’est un métier qui demande une force particulière, une grande patience et beaucoup d’endurance. Je leur dis un grand bravo et un grand merci.

    Extrait de mon journal intime. Date 23.08.2017

    J’ai attaqué il y a maintenant 2 semaines la méditation par le biais d’une application sur mon téléphone. C’est assez extraordinaire le bien que cela procure. 10 à 15 minutes par jour suffisent. Je crois que je vais garder cette habitude dans le futur, cela aide à se concentrer, à déstresser et à se libérer des tensions pour devenir plus zen. L’approche des choses est différente quand on s’accorde le temps de la réflexion et elle l’est encore plus quand on s’accorde le temps de la méditation. On se recentre sur soi, sur son for intérieur et on écoute son corps, on le remercie d’exister, de prendre soin de nous.
    J’ai participé le 21 août dernier à une expérience humaine sans précédent à ma connaissance. J’ai médité à 20h11 heure française pendant l’éclipse solaire visible uniquement aux États-Unis. Je suis rentré dans une chaine de méditation dont le but avéré était de rendre le monde meilleur. Il fallait être 144 000 personnes au moins à méditer ensemble pour envoyer de l’amour sur la terre. J’ai trouvé l’idée sympathique, j’y ai participé. Mais face à mon manque d’expérience et à ma position de méditation allongée, je me suis endormi. Je ferai mieux dans une centaine d’année.

    Des moments particuliers.

    J’en parlais plus haut, mais les apéros avec Isa étaient comme une oasis au milieu du désert.

    Avec une kiné, Isa organisait aussi des repas. Ces moments-là aussi étaient des moments privilégiés.

    Les premiers pas entre les barres parallèles ont été aussi intenses en émotions que douloureux.

    Quand je suis arrivé à l’hôpital Léon Bérard de Hyères, j’ai pu de nouveau aller aux toilettes tout seul, comme un grand. Ce fût un grand moment de bonheur. J’ai ressenti ce qu’a du ressentir Armstrong en posant son pied sur la lune… Sauf que moi, j’ai posé ma lune sans les pieds. 😆

    Et puis, il y a cette sensation, générée par le fait que l’on ne puisse rien faire d’autre que de se soigner. Cette sensation agréable de pouvoir s’occuper de soi sans tension extérieure, sans avoir honte, sans jugement. Être libre de s’occuper de soi.

    La suite dans mon prochain article : Mes premiers week-ends de permission.

    P.s. : Merci à J. pour la photo de la terrasse des chambres de Léon Bérard. Tu es la meilleure.

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  • Léon Bérard de Hyères, la suite (ép. 13)

    Léon Bérard de Hyères, la suite (ép. 13)

    Il me semble m’être arrêté au retour de la séance de kiné du matin lors de mon précédent article. Pour rappel : levé 07h30, piqûre, petit déjeuner, douche, soins, kiné. En général, la matinée passe très vite et quand je retourne en chambre, mon repas arrive dans la foulée.

    Des repas bons et équilibrés, rien à dire de ce côté-là. J’ai connu pire.

    Une fois le plateau débarrassé, le temps s’allonge, l’activité laisse place au silence. Les secondes s’égrènent lentement et on attend, on attend, on attend…

    On attend que la journée se termine et que la matinée redémarre afin de retrouver de la vie, du bruit, du contact humain.

    Évidemment, il y a la séance de kiné de l’après-midi, mais elle se résume à une séance de sport auto-gérée. D’ailleurs, elle n’est pas obligatoire, certains s’en passent royalement et préfèrent vaquer à leurs occupations.

    Au début, avec une mobilité réduite et difficile voire douloureuse, je me contente de ces moments « obligatoires » sans chercher à en faire plus. Mon accident m’ouvre la porte des livres, je découvre Netflix, je commence la méditation allongée, la position assise étant encore impossible.

    La méditation

    J’ai découvert la méditation, de ce que je peux me souvenir, en rééducation. L’idée m’a été apportée par Olivier, un ami du Sud.

    La méditation ? Tiens donc, je sais déjà que je n’y connais pas grand chose. Ma vie d’avant ne me laissait pas le temps d’entrevoir ce genre de pratique. Je croyais que je n’avais pas le temps ou que j’allais le perdre.

    Alors, j’ai commencé à m’y intéresser. J’ai lu des articles sur la toile et je me suis abonné à Namatata, une application qui permet la pratique de la méditation guidée. Hors de question pour moi, à l’hôpital de faire sans cette application, je ne savais ni comment faire ni par où commencer.

    Je vous avoue que pour commencer la méditation, les médicaments m’ont beaucoup aidé. 😆

    Il était assez simple pour moi de fermer les yeux et de me balader dans mon corps à la façon « L’aventure intérieure » (Les vieux fans du petit écran me comprendront).

    Là où il a fallu du temps, c’est quand il a fallu être à l’écoute de mes gênes, de mes douleurs, de mon corps. Comprendre qu’à chaque douleur ou gêne qui apparait il peut y avoir une émotion non gérée en amont.

    Que ressentez-vous physiquement quand vous avez peur ? Une boule au ventre ? Que se passe-t-il dans votre organisme quand vous êtes en colère ? D’où viennent les expressions « avoir la boule au ventre », « se prendre la tête » ? Sont-ce des sensations influencées par ces expressions ou sont-elles devenues des expressions à cause des sensations ressenties par tous ?

    A vous de vous faire un avis, le mien est déjà tranché. En ce qui me concerne, aidé par la méditation, j’ai réussi à analyser des sensations physiques désagréables voire des douleurs, à en trouver les causes et à les faire disparaitre.

    La plupart d’ailleurs, venaient de ma propre vision des choses, de ma façon de les analyser, de les interpréter. Elles n’étaient bien souvent pas le reflet de la réalité.

    Exemple : Je n’ai pas de message depuis quelques jours d’un ami, mon imaginaire prend le dessus (souvent conduit par le petit diable) et je m’imagine qu’il se moque de ma situation, je me mets en colère, une boule d’énergie négative se forme au niveau du cœur. La méditation m’aide à sentir cette boule, j’en cherche les causes possibles et la boule disparait quand je trouve la racine du mal. J’apprends ultérieurement que mon ami a, en fait, cassé son portable et qu’il ne pouvait pas me joindre. Dans cet exemple, sans méditation, quand j’apprends l’histoire du téléphone cassé, la boule s’en va d’elle-même. Mais la solution ne s’offre pas forcément à nous à chaque fois et il faut chercher. (Aucun portable n’a été maltraité pendant la rédaction de cet exemple. Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. Ou presque 😈 )

    Bref la méditation, c’est canon, c’est bon. Il faut que je m’y remette de façon plus assidue.

    Extrait de mon journal intime. Date 21.08.2017

    Cette semaine, il m’a été demandé de marcher sur les 2 pieds. Les trous sur le pied droit ne sont pas tous résorbés même si c’est en bonne voie, mais je n’ai pas le choix. Mes doigts de pieds commencent à se rétracter, ils deviennent durs et douloureux. Il faut les remettre en action pour éviter un problème supplémentaire dans le futur.
    Je remarche donc sur mes deux pieds, aidé de mes béquilles, et la douleur est revenue de façon intense. Je passe d’une station assise en fauteuil roulant à une station debout sur les 2 pieds greffés. Je ne pensais pas que ce serait aussi douloureux. Je me force à marcher pour m’habituer à cette douleur mais mes plaies saignent, je suis obligé de faire renforcer mes pansements. Je ne veux pas parler de cette douleur aux infirmières car je ne souhaite pas avoir plus d’antidouleurs, je souhaite savoir quand la douleur partira de façon naturelle.
    Ça a un côté grisant de remarcher sur ses 2 pieds, même si l’on se sent ridicule avec des béquilles. J’ai une sensation bizarre : je ne suis pas encore redevenu un homme. C’est sûrement dû aux béquilles, ça a chez moi un côté réducteur. Il faut que je travaille plus, que je marche plus, si je veux pouvoir me passer d’elles.

    La balade, la lecture, la vie

    Quand l’ennui commence à se faire sentir dans la chambre. Je pars en vadrouille, en fauteuil roulant dans le couloir. Et là, c’est le drame. Je suis limité à 80 m de couloir et j’imagine que je dois passer pour un taré à circuler dans le couloir devant le personnel médical qui doit en voir passer beaucoup des comme moi.

    Comme je l’ai dit dans un précédent article, il n’est pas possible pour un handicapé en fauteuil de sortir de l’hôpital seul, les voies d’accès sont trop en pente. C’est suicidaire.

    Au bout d’un temps relativement court, après quelques tentatives de blagues avec les infirmières de garde, je rentre dans ma chambre pour ne pas qu’elles puissent se douter de ma déficience mentale. 😀

    Je me prends une boisson dans mon frigo (on a tous un petit frigo dans la chambre) que ma femme remplit quand elle vient et je vais sur la terrasse qui a le mérite d’être immense et orientée Sud. Mes pieds sont protégés jusqu’aux genoux, ma cuisse gauche est sous un manchon de compression, le bronzage promet d’être drôle. Je bois tranquillement au soleil en lisant un bouquin. Le bonheur n’est jamais loin.

    C’est vrai que j’ai tendance à parler des évènements douloureux, tragiques qui ont suivi mon accident de cryothérapie mais j’ai connu aussi, même dans cette situation, des moments de bonheur.

    Je crois que ce sera l’objet de mon prochain article : De la joie en rééducation.

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  • Égaux face à la douleur (ép. 12)

    Égaux face à la douleur (ép. 12)

    Journal intime. Date : 17.12.2019

    C’est un réveil compliqué. Cette nuit, je me suis réveillé deux fois. La première vers 1h00 du matin en ayant la sensation qu’il était 08h00 et la deuxième à 06h50 en ayant l’impression qu’il était 01h00. J’ai fait un rêve bizarre dans lequel je passais un entretien d’embauche qui s’est mal passé. Non pas que le boulot n’allait pas me plaire, c’est plutôt le processus d’embauche qui m’a froissé. Nous étions reçus en binôme par la DRH. Il fallait à la fois remplir un questionnaire technique et en même temps répondre à ses questions. Chose que ma binôme arrivait à faire à la perfection. En ce qui me concerne, j’ai pris le pli de répondre d’abord à ses questions avant de mettre le nez dans le questionnaire, étant partisan du fait qu’on ne peut écouter efficacement une personne que si l’on ne fait rien d’autre en même temps. A un moment donné (avec l’accent du sud), je me suis levé, énervé par la méthode et je suis parti en les remerciant. C’est à ce moment que la DRH m’apprend que la binôme travaille déjà dans la boite et qu’elle est juste là pour voir comment je vais réagir en situation de concurrence. Sans savoir si j’ai les capacités requises, je prends congé en n’omettant pas de lui dire que ces méthodes ne me plaisent pas et que je ne souhaite pas travailler dans une boite qui les utilise.

    Le mental

    Nous ne sommes pas tous égaux devant la gestion de la douleur, les médecins et tout le staff médical, n’ont eu de cesse de me répéter que le mental a une place prépondérante dans le processus de guérison. C’est une notion à laquelle j’adhère sans réserve, j’en suis persuadé.

    Une question émerge toutefois, à quelle étape de ma guérison en serais-je si je n’avais pas le mental que j’ai eu alors et que j’ai encore aujourd’hui ?

    J’ai connu des hauts et des bas, mais une chose est sûre, même si une baisse de mental a été le déclencheur de l’écriture de ces lignes, je suis à 95% du temps avec un mental positif.

    J’ai lu différents bouquins durant ma convalescence sur la récupération de personnes accidentées de la vie et dans la plupart des cas, leur mental est celui d’un grand sportif. J’ai aussi vu des reportages tout aussi similaires durant lesquels les accidentés de la vie, même sans le vouloir, comparent leur rééducation à une préparation pour les jeux olympiques. Mon mental n’est pas le même, il consiste à accepter ce qui m’arrive et à rester joyeux et positif quoiqu’il advienne. C’est certes moins guerrier mais tout aussi efficace, je ne me pose pas de jalons, je vis au jour le jour en regardant au-dessus de mon épaule de temps en temps afin de constater les progrès, puis je regarde vers l’avant mais pas trop, et je vis (en tout cas, j’essaye).

    Pas tous pareils.

    J’ai eu un voisin dans la chambre d’à côté (sinon, ça n’aurait pas été un voisin 😆 ), car je suis dans une chambre single (Eh oui, il aurait pu être un voisin de chambrée), qui n’avait pas cette chance. Je l’ai pourtant envié à mon arrivée, car brûlé uniquement au bras droit, il semblait en totale autonomie, en apparence, et plus proche de la sortie que de son arrivée. Mais nous n’avons pas tous le même mental.

    Il avait deux addictions à la cigarette et à l’alcool qui le poussaient toutes les deux à se conduire comme un collégien qui ne voulait pas guérir. Il quittait l’hôpital l’après-midi pour aller faire des courses et revenait éméché avec quelques victuailles qu’il allait cacher dans sa chambre. A ce moment-là démarrait une partie de cache-cache avec les infirmières et les aides-soignantes. Il se cachait dans les toilettes pour se rouler des cigarettes qu’il fumait sur la terrasse, il chutait sous les effets de l’alcool avec son plateau repas, et j’en passe. Il prenait des remontrances, des menaces d’expulsion, s’excusait comme un enfant, se couchait en demandant de la morphine et le lendemain, tout recommençait.

    J’ai été dans le jugement

    J’admire ces personnes qui savent tous les jours s’occuper de ces gens qui en ont besoin, sans jamais leur en vouloir, sans jamais les juger. Car je l’ai jugé moi, le ressentant comme une gêne, lui qui jetait ses cigarettes allumées par-dessus le balcon malgré les risques d’incendies, lui qui transformait les toilettes communes en cendrier géant, lui qui allumait sa télé à 01h30 du matin parce qu’il n’arrivait pas à dormir, oui je l’ai jugé.

    Mais aujourd’hui, je le plains, voire je les plains, car il n’est pas seul. La vie les a privés de ce mental qui accélère la guérison. Les apparences sont trompeuses, un regard jeté trop vite, un jugement rendu trop facilement, et finalement, une personne que l’on envie devient une personne que l’on plaint.

    J’étais à l’hôpital mais dehors, aujourd’hui, sous d’autres formes, il se passe exactement la même chose.

    La suite dans le prochain article : Léon Bérard de Hyères, la suite.

  • Découverte de la rééducation (ép. 11)

    Découverte de la rééducation (ép. 11)

    Nouvel hôpital, nouveau planning. On m’a attribué un fauteuil roulant, je peux enfin me déplacer à ma guise au sein même de l’hôpital. Hors de question de sortir seul toutefois (à l’extérieur de l’hôpital), non pas parce que je n’y suis pas autorisé, mais parce que les chemins d’accès sont très pentus et que c’est, pour l’instant, physiquement impossible.

    Mon matin (Qui a dit qu’un matin, ça ne sert à rien?)

    Le réveil de l’escadron se fait à 07h30, bien loin des 05h30 quand ‘étais à l’armée et des 04h45 quand je travaillais sur Aix. Autant dire, que le plus souvent, j’étais réveillé bien avant.

    La première personne à rentrer dans ma chambre était souvent une infirmière pour me faire une piqûre d’Arixtra, anticoagulant injectable afin d’éviter les accidents thromboemboliques veineux (formation d’un caillot dans la circulation sanguine). 4 infirmières m’ont fortement marqué, j’en reparlerai sûrement dans un futur article.

    Ensuite, venait le petit déjeuner, léger mais bon. Rien à voir avec les repas servis à l’hôpital de la Conception à Marseille…

    Certains matins, on venait me peser (1 fois par semaine). Ceux qui comme moi, avait besoin d’aide pour se laver, attendaient sagement leur tour pour être emmenés à la douche. Une fois la douche prise, on me donnait un Tramadol (anti-douleur) à effet immédiat et j’attendais qu’on m’appelle en pansements.

    Une fois en pansement, rebelote, un coup de curette par-ci, un coup de curette par-là. On fait saigner les plaies, on nettoie, on refait le pansement, on me met des bandes de compression pour que le sang remonte et zou, on me libère pour la kiné. (Quand je dis on, je parle bien-sûr des infirmières et de leurs mains en or)

    Mes pieds nus avant le rituel du pansement. On peut constater qu’ils sont légèrement gonflés. Il y a des œdèmes qu’il va falloir résorber. Si je reste comme ça, je risque de me faire manger les doigts de pied par un amateur de saucisses Knacki. Sur la jambe gauche, j’ai un vêtement de compression. C’est la jambe où l’on a prélevé la peau.

    Séances de kinésithérapie

    Armé de mon nouveau bolide à 4 roues, mon pansement étant refait, je peux me rendre au sous sol, étage auquel sont installés les kinésithérapeutes et ergothérapeutes. Je vais faire connaissance avec Joanna, une jeune kiné qui vient de Pologne.

    Je dois faire 2 séances par jour dans un premier temps. Une première séance le matin en autonomie sur les machines de musculation que je peux utiliser (sans appui avec les pieds). Le choix est assez limité, ma préférence ira régulièrement vers le vélo à mains qui permet de rester assis dans mon fauteuil.

    La deuxième séance, l’après-midi, est gérée par la kiné. Elle fait du drainage lymphatique en massant délicatement afin de réduire les œdèmes que j’ai aux pieds. Il paraitrait même que ce type de massage améliore la circulation sanguine et favorise la cicatrisation. Elle manipule également mes chevilles afin de faire retravailler les tendons qui ont été à l’arrêt pendant un certain temps.

    Journal intime : 10.08.2017, Le 1er jour où je me suis mis à écrire.

    C’est un jour sans, un jour où l’on se lève et pendant lequel on ne souhaite pas communiquer. Le moral dans les chaussettes, envie de pleurer, se retrouver face à un constat : Ma vie a changé. C’est à ce moment où j’ai choisi de me soigner en écrivant et aussi pour ne pas oublier. Voilà 108 jours que c’est arrivé et je suis toujours à l’hôpital. 108 jours depuis que j’ai décidé de faire une cryothérapie. Et forcément, ça s’est mal passé. Cela risque d’être d’une banalité sans nom, mais il est vrai que la vie peut basculer très vite. Il aura fallu 3 minutes, 3 minutes durant lesquelles, une erreur humaine, une défaillance de la machine ou une combinaison des deux, m’auront amenées à rester les deux pieds baignés dans l’azote liquide. Deux minutes pour transformer mes pieds en escalopes de poulet congelées malgré mes appels à arrêter la séance et autant de réponses négatives me certifiant que la sensation de brûlure était normale. En sortant de la machine, la chaleur extérieure a réchauffé mes pieds et s’en est suivi une douleur jamais ressentie, que je ne veux plus jamais ressentir, elle est désormais en moi, comme une gêne dans mon torse, comme une boule d’énergie négative qui ne veut plus partir : J’étais brûlé au 3ème degré sur la totalité de mes deux plantes de pieds.

    Je ne pose encore aucun pied au sol, mais demain est un autre jour, je vais essayer de reposer le gauche (celui qui est cicatrisé). Le droit, n’en parlons pas, à ce jour, il n’a toujours pas retouché le sol sans chaussure.

    La suite dans mon prochain article : Tous égaux face à la douleur.

  • L’hôpital Léon Bérard de Hyères (ép. 10)

    L’hôpital Léon Bérard de Hyères (ép. 10)

    Une page se tourne et une autre s’écrit. Me voici greffé sous les 2 pieds. Ce qui devait être fait d’un point de vue chirurgical a été fait. Il en reste beaucoup à faire mais il est encore trop tôt, les plaies doivent d’abord cicatriser et je dois surtout réapprendre à marcher.

    C’est ainsi que, le 04 juillet 2017, pendant que des millions d’américains font la fête, je fais mes adieux au personnel de l’hôpital de la conception de Marseille que je ne remercierai jamais assez pour la qualité des soins, du service et pour leur empathie. 😉

    On me met dans l’ambulance, direction Hyères, la ville aux palmiers. Il y a pire comme ville pour attaquer une rééducation. Je suis admis à l’hôpital Léon Bérard dans le service de rééducation des grand brûlés du Docteur Queruel. J’ai une chambre single, ouf.

    Hors de question de reprendre la télé, j’ai donné à la Conception. Je vais rester un petit bout de temps ici, je prends uniquement le Wifi, mon ordinateur me suffit.

    1er pansement

    J’arrive un après-midi et normalement, les pansements ne se font que le matin. Mais les docteurs présents veulent savoir à quoi s’attendre avec mon pied, il faut étudier mon cas avant de proposer les soins adaptés tant au niveau des pansements qu’au niveau de la rééducation pure avec la kiné.

    Je passe donc en salle de pansement, et c’est la première fois où l’on me fait volontairement saigner les plaies.

    Pour que mes trous cicatrisent, il faut recréer des bourgeons en faisant saigner les plaies. N’oublions pas que la plaie ne peut pas se régénérer par le dessous puisqu’il n’y a plus de chair à ces endroits. Les infirmières enlèvent donc les croutes sur les côtés avec une curette (Non, ce n’est pas la femelle du curé, c’est l’outil médical adapté à ce type de nettoyage). Le processus va être long, il faut le faire tous les 2 jours dans un premier temps.

    Je ne sais pas vous dire si j’ai eu mal à ce pansement là. J’en ai subi tellement que je ne m’en souviens plus. Je crois que non, parce qu’à cette période, j’avais été placé sous tramadol.

    Nouvel hôpital, nouvelles habitudes

    A l’étage où je suis alité, le personnel est encore exceptionnel. Les agents d’entretien, les aides soignant(e)s et les infirmières sont au top. Certains ont énormément d’humour. Je ne sais pas si leurs conditions de travail sont bonnes mais c’est l’impression qu’ils donnent.

    Dans les 1ers jours, une nutritionniste passe me voir afin d’établir, en adéquation avec mes goûts, des menus pour les semaines à venir. Service grand luxe !

    Petit hic ! Les chambres ne sont pas climatisées, on est en plein mois de juillet. L’été sera chaud, je vais transpirer à grosses gouttes.

    Ma première fois.

    Tiens, en parlant de grosses gouttes, il me revient à l’esprit que c’est à Léon Bérard de Hyères que j’ai pris ma première douche en position allongée. Effectivement, à mon arrivée, je ne marche pas et je n’ai pas encore d’appui, je suis en fauteuil roulant. Je ne peux donc pas prendre de douche debout.

    Alors, quand c’est mon tour, on m’appelle en salle douche et je me transfère sur un brancard adapté. En effet, la force exceptionnelle dégagée par mes bras (laissez-moi rêver) me permet de me transférer seul d’un fauteuil à un autre. J’aurais même pu le faire en faisant l’équerre (je rêve toujours…). 😆

    Bref, une fois installé sur le brancard, je suis lavé et préparé pour le pansement. On m’enlève mes anciens pansements et on nettoie les plaies avec des compresses gorgées de produit adapté.

    Quand ils l’ont fait pour la 1ère fois, j’ai eu une grosse boule d’angoisse. En fait, je ne m’y attendais pas du tout. C’était la première fois depuis 75 jours que l’on nettoyait mes pieds sans que je sois sous anesthésie. J’ai eu vraiment peur de ressentir une douleur immense. L’effet a été bizarre, j’ai eu mal mais sans plus, j’ai surtout compris que certaines zones n’étaient plus sensibles, que certaines parties de mes pieds étaient comme mortes…

    En ce qui concerne le reste du corps, j’ai eu la chance de pouvoir me laver moi-même. La sensation de propre qui s’en est dégagée a regonflé le moral. Je comprends désormais les participants de Koh Lanta au sortir de la douche après un mois sans se laver. Je ne sais pas ce qui me retient de m’inscrire à la prochaine émission (mes pieds, peut-être).

    Journal intime. Date 03.12.2019

    16ème jour d’immobilisation sans avoir la possibilité de poser le pied droit au sol. C’est compliqué. La douleur est présente mais pas gênante. Ce n’est pas le fait qu’elle ne soit pas forte mais je la mets de côté. La seule qui soit vraiment gênante, c’est la douleur neuropathique : Le pic de douleur provoqué par une transmission d’information des nerfs endommagés au cerveau et analysé par celui-ci comme étant une douleur. Celle-ci surprend, je ne la vois pas venir. Coquine, va ! Le plus compliqué, au delà de la douleur, c’est de ne pas avoir peur de l’avenir (boulot, mobilité, argent, capacités physiques,…). L’immobilisation et la solitude amènent à la réflexion. Je rejoins la quête de Gilbert Bécaud en me posant la même question mais pas pour la même raison que lui : Et maintenant, que vais-je faire ? De tout ce temps que sera ma vie.

    C’est donc les fesses propres et le cœur gaillard que j’attaque ce nouveau périple. Il faudra prendre son mal en patience, je ne le sais pas encore mais je ne sortirai que le 07 octobre soit plus de 3 mois après. Ma cicatrisation devait se faire sur un mois, à ce jour, la plaie du talon n’est pas complètement fermée, à savoir plus de 30 mois après l’accident.

    La suite dans le prochain article : Découverte de la rééducation